“Route par ailleurs” (III, 13): frontières, marges et confins pour une littérature de l’inclusion (Verona, 1 febbraio 2024)
Montaigne nous parle des autres : Amérindiens, Turcs, Africains…Montaigne qui lit Las Casas, Lopez de Gomara, Benzoni, exprime dans son plaidoyer pour ces peuples, tout son malaise, son indignation pour cette occasion manquée et rêve d’une autre histoire virtuelle qui aurait dû etre une histoire de rencontre et de fécondation réciproque alors qu’elle a pris la voie de la destruction, de la torture et de la mort de ce qu’il appelle « boucherie universelle » (III, 6, 913). L’issue pour lui qui croit que ce qui fonde l’humanité est un devoir de justice et de bienveillance envers les vivants, un respect, une attention à ce qui relie l’homme à la nature plus qu’à ce qu’il en dissocie. Non seulement il évoque « l’ensauvagement du colonisateur » et met au pluriel la rencontre avec les autres. Il va vers les autres. Lire Montaigne permet de mieux comprendre que la vie des autres compte, « la vie des Noirs compte » ainsi que la vie de ceux qui ont formé une immense « humanité mobile » (Balibar). L’exigence d’un humanisme « à la mesure de l’homme » devient toujours plus nécessaire dans une logique d’inclusion refusant la dilatation de l’ennemi. Comme il est nécessaire d’être à l’écoute de la différence comme diversité, et non de la différence comme opposition dans une optique inclusive. Montaigne (III, 4) parle de respect et d’« obligation mutuelle » des hommes entre eux.
Quand tout cela en seroit à dire, si y a-il un certain respect qui nous attache, et un general devoir d'humanité, non aux bestes seulement qui ont vie et sentiment, mais aux arbres mesmes et aux plantes. Nous devons la justice aux hommes, et la grace et la benignité aux autres creatures qui en peuvent estre capables. Il y a quelque commerce entre elles et nous, et quelque obligation mutuelle.(II, 11, 435)
La Journée d’études va sonder, à partir de Montaigne, la nouvelle vision de l’Orient à partir des récits de voyages et des réflexions linguistiques et politiques (Busca, Ricci).
La Journée d’études réfléchira en outre sur comment la littérature contemporaine présente les venus d’ailleurs, sans oublier les écritures des marges sociaux, religieux et sexuels.
Le but de la Journée est de montrer comment la littérature peut orienter les interactions entre les peuples, servir d’interface en incarnant la fécondité et la pluralité des espaces entre-deux dans lesquels les langues et les cultures s’enrichissent dans une optique inclusive.